Extrait d'un recueil de nouvelles, "Le Centième Titre", paru aux 2 encres et regroupant quatorze auteurs.

LE CHEMIN DES DOUANIERS




Holà ! Camarade ! Par où passez-vous ?
Je me faufile dans le chemin des douaniers, caché entre ciel et mer, d’un côté d’épais buissons et de l’autre, les rochers, les vagues, les îles !
Quelle contrebande allez-vous faire, l’artiste ?
Je vais m’approvisionner gratuitement de bonheur visuel, de jubilation panoramique ! Je vais remplir mes godets de toutes ces mixtures fluorescentes qui fusent sur la surface de la mer, et je vais ramasser les petits morceaux d’ombres qui parsèmeront ma future toile de mosaïques pointillistes.
Je vois dans vos sacoches de drôles de couteaux ! Videz-moi çà sur le chemin, que j’inspecte votre attirail !
Avec ces couteaux-là, je ne transperce que l’émotion, vous savez ; avec ces souples instruments je vais prendre un peu du bleu de l’eau et le mêler au jaune du soleil, et je piquerai du vert au chemin pour le gratter sur le mauve des nuages ; je frotterai le parme d’une fleur à l’indigo d’un voilier au loin, mes couteaux s’enfonceront dans la pâte de mes pots généreux, prodigues de leurs crachats de joie, gaspilleurs de leur énergie colorée sans limite, sans tabou !

Holà ! Vous tenez un inquiétant langage, l’artiste ! Si vous n’étiez pas une femme, je vous demanderais de m’accompagner au poste !
Vrai ? Pour y quoi faire ? Le portrait ?
Ne vous moquez pas de ma figure, cela pourrait vous coûter cher, mais je sais que les peintres sont désargentés ! Alors ça va pour cette fois ! Passez votre chemin.
Mais je voulais m’installer ici pour y planter mon chevalet ?
Mademoiselle, vous n’avez pas peur d’être dérangée ?
Non ! Si vous restez auprès de moi, les badauds n’oseront pas me gêner, vous les inquiéterez !
Entendu, mais faites vite, alors, la nuit tombe d’un seul coup, ici !

Sur le chemin des douaniers, je me presse et je presse tous mes vieux tubes de peinture, en fait j’ai dessiné le brave douanier pendant qu’il avait le dos tourné ! Lui qui ne voulait pas que je lui brosse le portrait, je l’ai croqué de dos, pendant qu’il rêvassait, assis sur mon pliant.















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Par Marie-Céline le 03.12.12

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